Elle est belle, Gillian ; d'une beauté renversante et atypique. Elle est belle avec son admirable cascade de cheveux blonds comme le miel, encadrant un joli visage ovale et poupin. Et lorsqu'elle fait de ses cheveux une queue de cheval très haute, c'est amusant de voir comme ils se balancent de droite à gauche, au moindre de ses mouvements. Elle est belle avec l'éclat vert de ses prunelles qui ont le don de faire chavirer une abondance de cœurs et sa silhouette menue qui attire tous les regards. Elle est tout bonnement lumineuse et même éblouissante avec son charisme provoque les réactions les plus excessives. Elle est courtisée, désirée, adulée. Pas étonnant qu'Holden ait eu le coup de foudre pour elle ; il suffit d'un regard pour en tomber amoureux. C'est simple : tout le monde s'accorde à dire qu'elle est est l'incarnation même de la perfection.
Et Teddy ne fait pas exception à la règle puisque, c'est évident, la blonde élancée est un véritable modèle pour la petite rousse qui l'admire et l'envie même parfois. Gillian, c'est la fiancée de son frère mais c'est avant tout son amie. Sa confidente, sa sœur. La sœur qu'elle n'a jamais eu et qui lui avait cruellement manqué avant leur rencontre. Elle peut tout lui confier sans crainte ; elle pourrait passer des journées entières avec elle à simplement discuter. Parce que non, sa beauté n'est pas le seul attribut qui fait d'elle sa fille idéale : son caractère est tout aussi merveilleux. S'ennuyer est chose impossible en sa compagnie.
Gillian, c'est comme un aimant : c'est assez dur à expliquer mais quelque chose émanant d'elle attire instinctivement la sympathie ; c'est comme un magnétisme. On aime être avec elle, sa présence. On apprécie même la plus infime des secondes en sa compagnie parce qu'elle dégage une aura de bien-être, d'équilibre et de joie. On adore l'espèce de frisson qui nous parcourt l'échine lorsqu'on sait que l'on compte à ses yeux ; ce sentiment si spécial d'appartenance, de connivence. On se surprend quelquefois à l'épier, à la contempler pour ensuite tenter de l'imiter.
Oui, elle est belle, Gillian ; elle est même magnifique. Correction : elle l'était.
À Gillian aussi - comme au premier cadavre que la petite rousse a vu - on lui a disposé les bras en croix, contre sa poitrine. Yeux fermés et bouche reposée, elle est toujours aussi belle étendue dans ce cercueil qui lui fait office de nouvelle demeure mais semble avoir perdu tout son éclat. Et la voir ainsi, si éteinte et si blanche, intensifie la douleur de Teddy. Cependant, la jeune fille n'est pas l'âme la plus en peine du cimetière ; c'est Holden. Il se tient là, devant la tombe, aussi immobile qu'une pièce sculptée. Sans un mot, Teddy attrape sa main et leurs doigts s’entremêlent, fusionnent presque jusqu'à ne plus former qu'une seule et même main. À les voir ainsi, on ne croirait pas qu'ils sont frère et sœur : lui avec ses cheveux châtain, elle avec sa chevelure de feu ; lui avec son imposant presque mètre quatre-vingt et sa carrure d’athlète, elle avec son corps frêle et son petit un mètre soixante. Tout les différencie et malgré tout, ils sont d'une complicité étonnante.
Du coin de l’œil, Teddy s’aperçoit qu'une larme perle sur la joue de son frère ; elle ne dit rien. Il ne reste plus qu'eux et, pendant un certain laps de temps, le silence les engloutit tout entiers. « Tu sais comment elle est morte ? » questionne soudain la rousse, d'une voix qui se veut le plus naturelle possible, cassant ainsi le silence. Furtif échange de regards humides entre eux. « Un suicide, qu'ils disent. Mais tu sais bien aussi bien que moi que ce n'est qu'un mensonge. Elle aurait jamais fait ça. Moi, je sais ce qui l'a tuée. » Devant le regard interrogateur de sa cadette, il poursuit. Alors, Holden lui conte sa théorie : comment il ne croit pas une seule seconde à l'hypothèse du suicide, comment ses recherches l'ont mené sur une piste intéressante, comment il est désormais convaincu qu'un monstre, qu'une créature surnaturelle est responsable du décès de Gillian. Tout son récit durant, une lueur inconnue anime son regard et Teddy sans qu'il croit fermement à toute ces histoires de créatures surnaturelles. Après de longues minutes où lui seul a eu la parole, il conclue son long monologue par un : « Je dois m'en aller, Teddy. Quitter cette ville et traquer la chose qui a fait ça à Gillian. ». Une tierce personne n'aurait pas cru Holden une seule seconde, mais pas Teddy. Elle a une confiance aveugle en son grand frère et il ne faut pas plus d'une demi-seconde à la demoiselle pour lui répondre : « Alors, je pars avec toi. ».